26 oct. 2011

Dissemblances

Il pleure. Affligé. Un vrai dépressif. Son visage se modifie, ses traits se détruisent. La pluie. Des larmes comme des lames.
Il rit. Hilare. Un vrai enfant. Son rire éclate, résonne. Échos dans une grotte. Échos dans le ciel. Le bonheur qui se réverbère.
Il est. Imposant. Un vrai témoin. Les sens qui inspectent. Des gardiens. Toucher, sentir. Respirer. Une tache dans une foule.
Il n’est pas là. Absent. Un vrai voyageur. Son âme est une silhouette qui danse, écartant doucement les fils éthérés. Fermer les yeux. Sommeil éveillé.
Il est immobile. Figé. Une vraie statue. Ses muscles se tendent, son corps bouillonne. Pourtant il s’abstient. Lutter. Se battre contre le désir.
Il court. Libre. Un vrai fugitif. Son cœur hurle. Félicité. Encore plus. Ses jambes le propulsent. Il s’en va loin, il file. Toujours plus loin.
Il est gentil. Adorable. Un vrai ange. Une lumière en guise de manteau. Des mains qui s’ouvrent. Des offrandes.
Il est méchant. Hideux. Un vrai démon. Une plaie comme une ombre. Du sang comme passé, une fosse comme futur. Un cimetière.
Il rêve. Ailleurs. Un vrai dormeur. Les images folles se bousculent. Les espoirs éphémères se fardent de rose. La perfection.
Il cauchemarde. Sous-terre. Un vrai tourmenté. Les épées qui s’entrechoquent. Le ventre qui s’ouvre. Une apocalypse menteuse.
Il donne la vie. Généreux. Un vrai père. Ses bras comme un berceau. Des doigts minuscules. Une ivresse qui dure.
Il tue. Monstre. Un vrai cannibale. Ses bras comme une arme. Des mains qui étranglent. Il a soif, il a faim. Une vengeance qui grise.
Il pense. Intelligent. Un vrai philosophe. Des petits points sur un écran. Les idées arrivent et repartent. Quelque chose d’invisible. Secrets.
Il ne pense pas. Inerte. Un vrai paresseux. Un esprit asséché. Désert ou abysses. Des insectes qui grugent les sens.
Il touche. Charnel. Un vrai pervers. Effleurements. Viol. La culpabilité qui grandit. Le remord. L’alerte d’une faute.
Il ne touche pas. Respectueux. Un vrai gentilhomme. Courtoisie. Un peur qui se déguise. Manque. Toujours réprimer.
Il grimpe. Glorieux. Un vrai vainqueur. Le triomphe près du soleil. Un drapeau. Le symbole du conquérant. Peut-être courageux. Ou téméraire.
Il descend. Craintif. Un vrai lâche. L’audace trop timide. Rougissements. Le public qui pouffe. L’échelle qui s’enfonce.
Il aime. Tendre. Un vrai humain. Baisers sensibles. Contact fragile, trop de douceur. Il tient une poupée. Morceaux de porcelaine.
Il n’aime pas. Cruel. Un vrai animal. Faiblesse ou solitude. Le vide ou la haine. L’absence est profonde comme un gouffre.
Il est entouré. Sociable. Un vrai ami. Les cadeaux s’échangent. La fête frissonne. Agréables moments. Un partage. Ou un vol.
Il est seul. Marginal. Un vrai ermite. Un miroir comme compagnie. Solitude. Prison. Les barreaux sont robustes. Tromper les vigiles.
Il s’amuse. Frivole. Un vrai fêtard. Des couleurs. Des lumières. Les plaisirs, l’allégresse, les délices. Les lèvres sont des sourires.
Il s’ennuie. Las. Un vrai blasé. D’une personne ou du bonheur. Le temps est une vie. Mort tardive. Trouver la patience. Attendre.
Il envie. Jaloux. Un vrai pécheur. Falsifications. Duperies. Laideur honteuse derrière le faste. Haine de soi. La soie est exquise.
Il dédaigne. Confiant. Un vrai bourgeois. Torse bombé comme assurance. Lèvres pincées comme vanité. Ganté d’arrogance.
Il règne. Fier. Un vrai souverain. Le roi sur son trône. Le fouet dans la main. Éclat de diamant. Caprices et extravagances.
Il sert. Soumis. Un vrai esclave. Des loques comme peau. La dignité dans un trou. Des marques qui suintent. Le sang des veines.
Il vit. Palpitant. Un vrai homme. Son souffle qui flotte. Suspendu. Renouvelable. Un cœur qui se bat, des papillons qui gigotent.
Il meurt. Agonisant. Un vrai vieillard. Tout se crispe. Une odeur de pourriture qui s’en vient. Un ombre descendant les marches. Une porte.
Il est un homme.
Il existe
Il ne peut pas ne pas exister.
Là est la fin des dissemblances.


15 octobre 2011 - 16 octobre 2011

1 commentaire:

Michèle a dit…

Intense...et bon! Rien à ajouter, tu sembles avoir tout dit ;)